Une “hépatante” discrimination

On pourrait penser qu’aujourd’hui les personnes atteintes d’une hépatite ne sont victimes d’aucune discrimination dans la société. Pour un néophyte, c’est évident que les patients ne sont pas discriminés, cela n’aurait pas de sens. Pour le bénévole associatif, il y a encore beaucoup de travail pour que cela ne soit plus le cas. Pour les patients eux-mêmes c’est insupportable.

 

Insupportable qu’il soit plus compliqué de contracter un prêt si l’on est atteint d’une hépatite B ou d’accéder à certaines professions par exemple (étudiants ou professionnels de santé ou médico-sociaux, services d’urgence et de secours…). Insupportable d’être stigmatisé comme consommateur de drogue lorsque l’on est atteint d’une hépatite C contractée dans un hôpital public suite à un accouchement ou une transfusion sanguine. Mais l’insupportable a trouvé un ennemi qui pourrait lui faire de l’ombre, l’inadmissible.

 

En 2019, aujourd’hui en France, une association de patients nommée « SOS Hépatites Alsace Lorraine » peut-elle être discriminée ? Suspens… C’est un grand OUI ! Ce n’est ni le mot Alsace, ni le mot SOS et encore moins le mot Lorraine qui pose soucis, bien que cela serait possible, mais bien le mot terrifiant : H E P A T I T E S

 

Aujourd’hui en France, pays démocratique et d’éducation de qualité, pays des droits de l’Homme et des grandes valeurs humanistes des Lumières, il n’est pas possible d’accéder à un logement si le mot hépatite apparait dans le nom de l’association. C’est le terrible constat que nous avons fait en Lorraine, sans nous y attendre.

 

A notre grande surprise, sur une vingtaine d’agences immobilières contactées seulement 2 ont accepter de rechercher à nos cotés une permanence pour assurer des dépistages à chaque personne qui le désire. Les 18 autres ? « nous ne faisons pas cela » , « nous ne travaillons pas avec ce type d’association », « nous n’avons pas de biens sur les quartiers prioritaires », « désolé je ne peux rien faire pour vous ». Vous allez me dire, ce n’est que pur hasard, le mot hépatites n’a rien à voir là-dedans ? Creusons…

 

Sur les 5 premiers propriétaires contactés par mail, nous avons commencé par divulguer notre identité d’association de patients qui lutte. 0 réponse sur 5, sans explications, raté ! Nous avons ensuite contacté 10 autres propriétaires, sans délivrer notre identité, comme des locataires lambda que nous croyons être. 2 n’ont pas donné suite lorsque nous avons expliqué le combat que nous représentions. A ce moment, nous avons senti que quelque chose ne tournait pas rond.

 

Les 8 derniers propriétaires ont accepté de nous recevoir pour des visites. Nous n’avions toujours pas divulgué notre identité dans ce cas de figure. Et là, l’inadmissible vient titiller l’insupportable sans s’y attendre : « il n’y a pas de migrants dans le quartier » « je ne veux pas attirer les personnes marginales » « ce ne sera pas possible d’accueillir des personnes pour être dépistées, c’est trop dangereux » « c’est une maladie chez les personnes homosexuelles ? » « vous devriez chercher un local dans une autre partie de la ville » « je ne veux pas voir trainer des toxicomanes dans la cage d’escalier toute la journée »…

 

Alors on se dit qu’on va pouvoir discuter, échanger, apprendre à ces personnes que leurs préjugés sont faux et construits sur des croyances stéréotypées et … Impossible, ils pensent évidemment qu’un étudiant ou un couple sera beaucoup moins contraignant, pas de discussion possible, au revoir. De plus, ils ne se gênent pas pour vous le faire savoir « vous savez j’ai 10 demandes par jour, quelqu’un prendra le logement ».

 

Bilan, le local associatif de SOS Hépatites Alsace Lorraine qui a été trouvé 5 mois après le début des recherches, n’est pas un local d’accueil car cela fait beaucoup trop peur. De fait, nous ne pouvons pas assumer notre mission première, l’accueil des personnes touchées de près ou de loin par les hépatites et les maladies du foie, y compris les patients et leur entourage qui souhaitent avoir accès à de l’information sur la maladie, les traitements ou encore la vaccination et le dépistage.

 

Peut être finalement que c’est le mot « SOS » qui pose problème, aux vues du rapport effarant de l’association SOS Racisme sur l’accès au logement des personnes d’origines étrangères. Les discriminations immobilières ne seraient-elles réservées qu’aux associations avec l’appellation « SOS » ? Difficile à croire…

 

Nous nous permettons donc de rappeler que l’auteur d’une discrimination immobilière en France peut risquer 45.000 euros d’amende et 3 ans de prison. Mais d’ailleurs n’est ce qu’une discrimination immobilière ? Non, elle est diverse. Ces remarques et ce constat sont aussi des discriminations par rapport à un état de santé, par rapport à une orientation sexuelle et/ou par rapport à une situation de précarité économique. Tous ces critères de discriminations pris indépendamment sont inscrits et punis par la Loi française. Qu’en est-il lorsqu’ils sont cumulés ?

 

A toute personne qui se reconnait dans ce texte, nous lui conseillons la lecture du code pénal (art. 225-1 et 225-4) ou la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs afin de prendre la mesure de ces actes ou ces paroles. A vous, nous nous ferons un plaisir de vous faire découvrir les hépatites virales et les maladies du foie afin de briser vos fausses croyances et de vous baser sur de réelles connaissances pour vous permettre de ne pas juger cette maladie et surtout toutes les personnes atteintes par la même occasion.

A bon entendeur…

Retrouvez-nous à Nancy au 57 rue Raymond Poincaré, nous nous ferons tout de même un plaisir de trouver une solution pour vous informer.